Martin Aurell (1958-2025)

Cliché L.-O. Crosland 2023 (CESCM-photothèque)

Martin Aurell nous a quittés le 8 février dernier. Chercheur exceptionnel, enseignant à la fois brillant et attentif, homme d’une grande culture et d’une rare générosité, il laisse derrière lui un vide immense.

Né à Barcelone en 1958, il avait fait ses études à l’Université de Provence où il avait soutenu sa thèse de 3e cycle puis sa thèse d’État sous la direction de Noël Coulet. Professeur à Poitiers depuis 1994, la qualité de sa recherche lui avait valu d’être accueilli à l’Institute for Advanced Study de Princeton en 1999 et d’être membre de l’Institut universitaire de France durant dix ans, entre 2002 et 2012.

Ogre historien, il laisse une œuvre scientifique monumentale[1], qui frappe par la diversité de ses thématiques et de ses approches documentaires et méthodologiques, faisant la part belle aux apports de la littérature, mais aussi de la culture matérielle et des sciences sociales : les stratégies matrimoniales et les logiques de parenté au sein de l’aristocratie, les Plantagenêt et la figure d’Aliénor d’Aquitaine, les troubadours, la légende arthurienne ou encore l’épée. Il s’intéressa également aux réappropriations contemporaines d’éléments médiévaux, que l’on nomme médiévalisme. Savant touche-à-tout, il s’était aussi tourné vers les liens entre Chrétienté latine et monde musulman.

Très attaché au Centre d’études supérieures de civilisation médiévale de Poitiers, il avait accepté d’en prendre la direction entre 2016 et 2022 ; mais il était assurément plus à l’aise avec les responsabilités éditoriales (des Cahiers de civilisation médiévale de 2000 à 2023 et de plusieurs collections).

Cliché L.-O. Crosland 2022 (CESCM-photothèque)

Faisant fructifier l’héritage de Georges Duby, dont il avait suivi les séminaires au Collège de France, Martin Aurell fut également un passeur hors pair. Il a formé des générations d’étudiants, qui gardent souvent de lui un souvenir ébloui, et suscité bien des vocations, dirigeant ou co-dirigeant pas moins de 49 thèses. En parallèle, il n’a eu de cesse de multiplier les collaborations avec des médiévistes français et étrangers.

Il avait aussi à cœur de partager largement sa passion hors des murs de l’Université. Conscient de la fascination exercée par plusieurs de ses thèmes de prédilection, il a contribué, grâce à un vrai talent de conteur, à faire évoluer la vision du Moyen Âge auprès du grand public.

Dès l’annonce de son décès, les messages de sympathie et d’amitié ont afflué vers Poitiers, montrant combien il était apprécié et soulignant, par-dessus tout, sa gentillesse et son humanité. D’une incomparable courtoisie, il était attentif à tous, avait un mot pour chacun, quel que soit son statut ou son niveau de culture. Homme de foi et de valeurs, il était dévoué aux autres, dans sa vie personnelle comme dans ses activités professionnelles.

Loin de rendre compte de l’immensité de son œuvre, ce court billet est à l’image de son humilité. Avec Martin Aurell vient de s’éteindre un des plus grands médiévistes français, un grand professeur, un collègue exceptionnel, un homme de cœur. Il nous manque déjà.

[1] https://cescm.labo.univ-poitiers.fr/membres/martin-aurell/

Cahiers de civilisation médiévale 27 (fascicule 268)

Le dernier numéro des Cahiers de civilisation médiévale, 67e année, numéro 268, octobre-décembre 2024, est paru.

ISSN : 0007-9731

ISBN : 978-2-49078-317-5

DOI : https://doi.org/10.4000/13ajz

134 p. – 35 €

Lien CAIRN : https://shs.cairn.info/revue-cahiers-de-civilisation-medievale-2024-4?lang=fr

Articles

Stéphane Boissellier, Le lexique des circonscriptions et la qualification des territoires dans les œuvres savantes et les sources documentaires, en latin, langues romanes et arabe : quelques orientations méthodologiques, p. 507-514.
DOI : https://doi.org/10.4000/13ajm

Lucie Malbos, Des peuples aux royaumes ? Nommer les territoires scandinaves dans les textes occidentaux (VIIe-XIe siècle)p. 515-528.
DOI : 
https://doi.org/10.4000/13ajn

Cédric Jeanneau, Nommer et désigner la terre au Moyen Âge. Le vocabulaire de la seigneurie foncière dans les actes diplomatiques du Bas-Poitou, XIe-XIIIe siècle : usages, significations et évolutions, p. 529-562. 
DOI : 
https://doi.org/10.4000/13ajh

François Clément, Les mots et le territoire. Enquête lexicologique dans la littérature savante et les textes vernaculaires en arabe du XIe au XIIIIe siècle, p. 563-580. 
DOI :
https://doi.org/10.4000/13ajk

Philippe Jansen, Le districtus (contado ou terra) et ses subdivisions locales dans les statuts et les actes de la pratique en Italie centrale : de l’espace vécu à l’espace administré, p. 581-592.

DOI : https://doi.org/10.4000/13ajl

Yassir Benhima, L’organisation provinciale et sa nomenclature dans le Maroc mérinide (XIIIe-XIVe siècles), p. 593-602.

DOI : https://doi.org/10.4000/13ajp

Sylvain Gouguenheim, Nommer l’espace prussien (XIIIe-XVe siècles), p. 603-614.

DOI : https://doi.org/10.4000/13ajl

Muriel Bonnaud, Les lieux de tenue des assises dans la châtellenie de Bressuire (XIVe-XVe siècle), p. 615-630.

DOI : https://doi.org/10.4000/13aji

Massimo Della Misericordia, Saints, images et lieux dans une vallée alpine de la Lombardie. Le langage de l’art comme lexique du territoire (XVe-XVIe siècle), p. 631-642.

DOI : https://doi.org/10.4000/13ajo

Comptes-rendus

Anne Berthelot
Bettina Bildhauer, Medieval Things. Agency, Materiality, and Narratives of Objects in Medieval German Literature and Beyond, Columbus, Ohio State University Press (Interventions), 2020, 258 p.
Vincent Corriol
Constance Brittain Bouchard, Negotiation and Resistance. Pesant Agency in High Medieval France, New York/Ithaca, Cornell University Press, 2022, 186 p.
Pierre Courroux
Antoine Brix, Devenir l’histoire de France. La fortune des Grandes Chroniques de France au Moyen Âge, Paris, Éditions du CTHS (CTHS Histoire, 70), 2024, 450 p.
Christine Ferlampin-Acher
Zinaida Geylikman, Baron et chevalier en français médiéval. Une étude sémantique de noms d’humains dans la société médiévale, Paris, Honoré Champion (Linguistique historique 13), 2022, 275 p.
Timofey V. Guimon
Pierre Gonneau, Novgorod. Histoire et archéologie d’une république russe médiévale (970-1478), Paris, CNRS Éditions (L’esprit des lieux), 2021, 248 p.
Sandrine Mouny
Rachel Prouteau, La céramique domestique du premier Moyen Âge (VIXIIe s.) dans le sillon lorrain. Essai de synthèse, Nancy, PUN–Éditions universitaires de Lorraine (Archéologie, espaces, patrimoines), 2021, 384 p.
Valérie Thon
La bibliothèque de l’abbaye de Clairvaux du XIIe au XVIIIe siècle. Tome II, les manuscrits conservés. Troisième partie, sermons et instruments pour la prédication. Manuscrits des cotes O, P, Q, Jean-Pierre Rothschild et Caroline Heid (dirs.), Paris, Éditions du CNRS (Documents, études et répertoires, série : « Histoire des bibliothèques médiévales », 91), 2021, 424 p.
Rozenn Colleter
Claire Weeda, Ethnicity in Medieval Europe, 950-1250. Medicine, Power and Religion, Suffolk/Woodbridge, York Medieval Press/Boydell & Brewer (Health and Healing in the Middle Ages, 2), 2021, 356 p.
Esther Dehoux
La Chanson de saint Alexis. Essai d’édition critique de la version primitive avec apparat synoptique de tous les témoins, François Zufferey (éd.), Abbeville/Paris, F. Paillart/Société des anciens textes français, 2020, 654 p.