
Martin Aurell nous a quittés le 8 février dernier. Chercheur exceptionnel, enseignant à la fois brillant et attentif, homme d’une grande culture et d’une rare générosité, il laisse derrière lui un vide immense.
Né à Barcelone en 1958, il avait fait ses études à l’Université de Provence où il avait soutenu sa thèse de 3e cycle puis sa thèse d’État sous la direction de Noël Coulet. Professeur à Poitiers depuis 1994, la qualité de sa recherche lui avait valu d’être accueilli à l’Institute for Advanced Study de Princeton en 1999 et d’être membre de l’Institut universitaire de France durant dix ans, entre 2002 et 2012.
Ogre historien, il laisse une œuvre scientifique monumentale[1], qui frappe par la diversité de ses thématiques et de ses approches documentaires et méthodologiques, faisant la part belle aux apports de la littérature, mais aussi de la culture matérielle et des sciences sociales : les stratégies matrimoniales et les logiques de parenté au sein de l’aristocratie, les Plantagenêt et la figure d’Aliénor d’Aquitaine, les troubadours, la légende arthurienne ou encore l’épée. Il s’intéressa également aux réappropriations contemporaines d’éléments médiévaux, que l’on nomme médiévalisme. Savant touche-à-tout, il s’était aussi tourné vers les liens entre Chrétienté latine et monde musulman.
Très attaché au Centre d’études supérieures de civilisation médiévale de Poitiers, il avait accepté d’en prendre la direction entre 2016 et 2022 ; mais il était assurément plus à l’aise avec les responsabilités éditoriales (des Cahiers de civilisation médiévale de 2000 à 2023 et de plusieurs collections).

Faisant fructifier l’héritage de Georges Duby, dont il avait suivi les séminaires au Collège de France, Martin Aurell fut également un passeur hors pair. Il a formé des générations d’étudiants, qui gardent souvent de lui un souvenir ébloui, et suscité bien des vocations, dirigeant ou co-dirigeant pas moins de 49 thèses. En parallèle, il n’a eu de cesse de multiplier les collaborations avec des médiévistes français et étrangers.
Il avait aussi à cœur de partager largement sa passion hors des murs de l’Université. Conscient de la fascination exercée par plusieurs de ses thèmes de prédilection, il a contribué, grâce à un vrai talent de conteur, à faire évoluer la vision du Moyen Âge auprès du grand public.
Dès l’annonce de son décès, les messages de sympathie et d’amitié ont afflué vers Poitiers, montrant combien il était apprécié et soulignant, par-dessus tout, sa gentillesse et son humanité. D’une incomparable courtoisie, il était attentif à tous, avait un mot pour chacun, quel que soit son statut ou son niveau de culture. Homme de foi et de valeurs, il était dévoué aux autres, dans sa vie personnelle comme dans ses activités professionnelles.
Loin de rendre compte de l’immensité de son œuvre, ce court billet est à l’image de son humilité. Avec Martin Aurell vient de s’éteindre un des plus grands médiévistes français, un grand professeur, un collègue exceptionnel, un homme de cœur. Il nous manque déjà.
Ses collègues de Poitiers.
[1] https://cescm.labo.univ-poitiers.fr/membres/martin-aurell/